Barbara Romagnan, députée PS du Doubs : “Pourquoi je ne voterai pas pour le traité européen”
Mardi 18 septembre 2012 | >16 septembre 2012 Libération
Députée socialiste, nouvelle venue à l’Assemblée nationale, c’est après beaucoup d’hésitations que je ne voterai pas le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG), la «règle d’or», qui va être soumis au vote des parlementaires. Une telle position – que je partage avec plusieurs député-e-s du groupe socialiste – mérite évidemment quelques explications que je dois aux socialistes, mais aussi aux électeurs qui m’ont fait confiance en juin. Il s’agit en effet d’un choix important et grave. Il n’y a rien de plaisant à se retrouver minoritaire dans le vote d’un texte présenté par sa majorité au risque de sembler vouloir s’en démarquer.
C’est un choix de conviction motivé par un engagement politique entier en faveur de la mise en œuvre du projet socialiste. D’ailleurs, heureusement notre agenda politique ne se limite pas aux débats sur ce traité – qui apparaît d’ailleurs largement caduc – et nous saurons nous concentrer sur la réalisation des grands chantiers nationaux et européens qui sont devant nous. C’est à cette aune que les Français nous jugeront.
Mon rejet de ce traité, c’est d’abord le refus d’un texte qui comporte de nouvelles atteintes aux espaces de délibération et de choix des représentants élus.
Qu’il s’agisse de la règle d’équilibre budgétaire au moyen «de dispositions contraignantes et permanentes» ou du déclenchement «automatique» d’un mécanisme de correction, le traité réduit la politique économique à une règle de droit à laquelle les parlements nationaux devraient se soumettre. Au moment où nos sociétés connaissent une profonde crise de leurs systèmes démocratiques et où la défiance envers l’Europe se développe, on peut légitimement s’interroger sur l’opportunité de tels dispositifs.
Au-delà de la lettre de ce traité, c’est la sacralisation d’une politique économique dont l’échec est aujourd’hui manifeste que je refuse de valider. Il me semble inadapté de conduire une politique d’austérité en période de récession. L’austérité imposée à la Grèce et à l’Espagne a appauvri les populations sans relancer l’économie de ces pays. La politique d’austérité, revendiquée par le gouvernement Cameron, n’empêche pas le Royaume-Uni d’entrer officiellement en récession. Cette austérité que la droite européenne voudrait imposer à l’ensemble de l’Union est dangereuse et intenable. En France, cela aurait non seulement des conséquences sociales graves, mais risquerait d’affaiblir davantage notre économie. Rappelons qu’une étude récente de trois instituts indépendants (OFCE, IMK et Wifo) a annoncé qu’entre 2010 et 2013 les mesures imposées par le pacte budgétaire devraient réduire de près de 7 points le PIB de la zone euro. Heureusement, les lignes bougent, notamment parce que la France a élu un président de gauche qui a su faire entendre une autre voix et imposer une nouvelle dynamique en Europe.
Ainsi, jeudi, en acceptant d’acheter des titres de dettes, la Banque centrale européenne a, pour la première fois, admis que le problème prend ses racines dans les spéculations faites sur les dettes plus que sur ces dettes elles-mêmes. C’est une véritable avancée : les dépenses publiques des Etats n’apparaissent plus comme l’unique mal de l’Europe!
Mais nous avons perdu beaucoup de temps pendant lequel les pays en crise n’ont pas été aidés avec toute la force nécessaire. Sommes-nous condamnés à toujours attendre l’échec des politiques libérales pour oser nous engager dans d’autres voies? Je ne le crois pas et c’est pourquoi je ne voterai pas ce traité. Il faut essayer de voir plus loin. Nous pouvons nous appuyer sur la récente décision de la BCE pour offrir une perspective de progrès à l’Europe, réformer les institutions de l’Union européenne et nous mobiliser pour soutenir François Hollande dans cette voie.
Il faut tout d’abord donner aux Etats les moyens de mettre en œuvre des politiques ambitieuses d’avenir et de dynamique économique. Il conviendrait en particulier de distinguer les dépenses de fonctionnement des dépenses d’investissement. Il n’est pas réaliste, ni juste envers les générations futures, de mettre sur un pied d’égalité les investissements en matière d’éducation, de santé, de protection de l’environnement et les crédits destinés au fonctionnement de l’Etat. Les investissements d’aujourd’hui sont les emplois et la compétitivité de demain. Il faut être clair: ce n’est pas la réduction des déficits que je conteste en ne votant pas le TSCG, mais l’idée que les ressources destinées à l’investissement doivent en faire les frais.
Ensuite et surtout, il convient de donner à l’Europe les moyens d’agir et d’investir, parce que c’est à l’échelle européenne qu’une réponse à la crise est pertinente. L’Europe fédérale sociale et démocratique doit être notre avenir. Des ressources nouvelles doivent être recherchées. Il est inconcevable que, dans une aire économique qui réalise plus de 25% du PIB mondial, les flux financiers ne soient pas taxés au même titre que le travail. Aussi, dans le sens de l’action de François Hollande, il faudra soutenir une augmentation du taux de la taxe sur les transactions financières. Cette taxe n’est pas une punition ou une entrave, elle est un juste retour vers la collectivité. De même, pour lutter contre le dumping fiscal qui empêche une véritable coordination économique, il devient nécessaire de réaffirmer la pertinence de la création d’un impôt sur les bénéfices à l’échelle européenne. Il s’agira aussi de s’engager dès à présent contre les paradis fiscaux qui imputent une part considérable de recettes qui pourraient être injectées utilement dans l’économie.
Ainsi, ce que je vais exprimer par mon vote, c’est une volonté de dépasser le TSCG et de s’engager dans l’élaboration d’un nouveau traité de coordination des politiques de l’Union européenne qui impulsera une nouvelle stratégie économique incluant des politiques monétaires, budgétaires, fiscales, environnementales et sociales en associant les citoyens.
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