D’un même élan Epicure nous encourage à prendre soin de nos pensées, pour que disparaissent les frayeurs sans fondement et les mystifications, pour vivre serein et libre. En somme, philosopher, en première personne, sans jamais déléguer sa puissance de jugement, sans faire naître en soi de servitude mentale ou morale.
Voeux de bonheur… Pourtant, il y a le monde déchiré où nous vivons et sa rumeur tragique. Pourtant il y a la détresse multipliée de nos semblables. Trop d’êtres humains aujourd’hui sont privés de présent comme d’avenir, et ne peuvent jouir de la vie car elle ne leur est même pas assurée. Et ceci alors que l’Humanité dispose des moyens de l’accomplissement universel. Étrange paradoxe, comme celui qui révoltait Rousseau quand il constatait que le développement des techniques et des sciences n'avait pas automatiquement engendré le progrès de l'Humanité. Fasse cette nouvelle année advenir un peu plus de justice pour tous.
« Il ne faut pas de tout pour faire un monde : il faut du bonheur et rien d’autre » (Eluard).
Soyons assez forts et généreux pour interpeller cette scandaleuse coexistence de la misère moderne et de l’opulence extrême, non pour tout niveler, mais pour que l’humanité se souvienne qu’elle est une, qu’elle vit en chacun de nous et en tous, et que sa figure mutilée en est la blessure révoltante. Voyez l’enfant misérable…« C’est Mozart qu’on assassine ». Le degré de civilisation d’une société se mesure au sort qu’elle réserve aux plus démunis.
Ce qui dépend des hommes n’est pas fatal. À nous d’en tirer les conséquences.
« Bonheur à tous, bonheur à ceux qui vont survivre », disait Missak Manouchian au moment de tomber sous les balles des nazis. Souvenir. Nous devons notre liberté à ceux qui résistèrent.
Que sont devenus les idéaux de l'espérance ? Trahis trop souvent, ils ne sont pas morts pour autant. Ils existent, bien réels, ne serait-ce que dans l’aspiration de la conscience résistant à l’oppression ou aux privilèges. Sachons les faire vivre, pour redonner sens aux mots qui les incarnent. Laïcité et République, pour partager un monde commun à tous dans la liberté de conscience et l’égalité des droits, délivré de l’obsession des différences. Démocratie, pour que la souveraineté du peuple et des citoyens qui le composent ne soit pas abolie au profit d’experts faussement neutres. Paix et fraternité, fondées sur les mêmes droits reconnus à tous les peuples afin que les nations ne dérivent pas dans la haine réciproque. Justice sociale et solidarité, afin que le progrès économique se traduise par un authentique progrès pour tous. Culture et art, pour que la mémoire du vrai et du beau nourrisse la vie et l’accomplisse.
Bonne année 2011! Henri Pena-Ruiz
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