Je ne suis pas juriste mais « l’affaire Riton » m’interpelle depuis plusieurs jours (voir ci-contre le billet d’Eric Daviatte dans l’Est-Républicain). Lire pendant plusieurs semaines sur un site d’information local le commentaire d’un pseudo-agent de la voirie bisontine mettre en cause sa hiérarchie m'a surpris, les commentaires étant habituellement passés au crible d'un modérateur sur ce site.
L’entrée en justice du premier magistrat de la ville risque de faire du bruit. En effet, le Conseil constitutionnel (voir l'extrait de Numérama) estime que la responsabilité du directeur et du codirecteur d'une publication est engagée s’il est établi qu’il avait connaissance du message avant sa mise en ligne ou s’il n’a pas été retiré promptement quand il en a eu connaissance. La loi protège d'avantage les sites et blogs non-modérés que les autres. Désormais, il n’y a plus de commentaires sur les faits divers. Heureusement, il y a d’autres blogs…
Ici, sur Besagora, peu de commentaires: ceux qui se défoulent par des grossièretés et la haine gratuite savent depuis longtemps qu’ils ne sont pas publiés et que la charte est reine...
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Extrait d'un article de Numérama
Les "producteurs" de services en ligne, qui peuvent être des auteurs de blogs ou les animateurs de forums, ne pourront pas voir leur responsabilité engagée si des contenus illicites y sont diffusés à leur insu par des internautes. Ainsi l'a jugé le Conseil constitutionnel.
Saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a rendu une décision qui rassurera tous les éditeurs de sites communautaires et les plateformes d'hébergement de contenus créés par les utilisateurs. Il confirme en effet que l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle (modifié par la loi Hadopi) "ne saurait, sans instaurer une présomption irréfragable de responsabilité pénale qui serait inconstitutionnelle, être interprété comme permettant que le créateur ou l'animateur d'un site de communication au public en ligne mettant à la disposition du public des messages adressés par des internautes (par exemple, sur un forum de discussion), voie sa responsabilité pénale engagée en qualité de producteur à raison du seul contenu d'un message dont il n'avait pas connaissance avant la mise en ligne".
La difficulté résultait de la rédaction de cet article. La loi Hadopi a en effet ajouté un alinéa qui dispose que "le directeur ou le codirecteur de publication ne peut pas voir sa responsabilité pénale engagée comme auteur principal s'il est établi qu'il n'avait pas effectivement connaissance du message avant sa mise en ligne ou si, dès le moment où il en a eu connaissance, il a agi promptement pour retirer ce message". En revanche, la loi ne disait rien du "producteur" du service en ligne, c'est-à-dire de son initiateur et animateur, dont la responsabilité pouvait toujours être engagée si l'auteur des messages incriminés n'était pas identifié.
Pour écarter tout risque, le Conseil constitutionnel a constaté que sur Internet, l'auteur du message illicite n'était pas toujours simple à identifier. Soit que le FAI soit situé à l'étranger, où il n'est pas facile d'obtenir leur collaboration. Soit que l'internaute ait pris les précautions techniques qui rendent son identification impossible. "La possibilité d’identifier les auteurs des messages au moyen des données de communication conservées par les opérateurs techniques est trop incertaine pour constituer une garantie", explique le Conseil constitutionnel. Puisque le "producteur" du site ne peut pas toujours renvoyer la responsabilité vers l'auteur qu'il ne connaît pas, il n'est pas tolérable de le pénaliser pour le contenu de messages qu'il n'a pas vu vérifier avant leur publication.
"Dans le système des forums de discussion ne faisant pas l’objet d’une modération a priori ou des sites participatifs (qui ne sont nullement interdits par la loi), l’immédiateté de la mise en ligne devrait faire obstacle à ce que le producteur du site soit soumis à la même responsabilité pénale que l’auteur du message", commente le Conseil. La responsabilité du "producteur" peut être recherchée, mais que s'il avait connaissance du message avant sa publication.
C'est une décision pragmatique et salutaire, qui sacralise en droit constitutionnel la jurisprudence de la cour de cassation, établie au mois de février 2011.
Comme nous le rappelions en effet cette semaine pour expliquer la responsabilité pénale d'Apple dans la mise en ligne de l'application "Juif ou pas juif", la cour de cassation avait déjà établi dans plusieurs arrêts que l'hébergeur ou l'éditeur d'un service en ligne ne peut voir sa responsabilité engagée que s'il valide les contenus avant leur publication, ou s'il peut être prouvé qu'il avait connaissance de leur caractère illicite et qu'il n'a pas agi rapidement pour les retirer. Le Conseil constitutionnel, fort logiquement,
L'effet pervers de ces décisions est qu'il est aujourd'hui beaucoup moins risqué de ne pas modérer les forums que de les modérer, comme l'avait démontré l'affaire Flavie Flament en début d'année. En revanche, son grand bénéfice est de rappeler la responsabilité première de l'auteur du message, sans aller chercher la responsabilité de celui qui le diffuse, et qui serait donc tenté d'atteindre à la liberté d'expression pour sauvegarder sa propre sécurité juridique.