Les cérémonies du 75 ème anniversaire du débarquement de Normandie et de la fin de la dernière guerre sont toujours l'occasion de discours sympathiques: François Hollande : "...nous regardons la guerre comme une réalité lointaine alors que ce n'est pas si loin de nous.../... un concours de la résistance sera ouvert à tous les enfants de France... "
Dans ma famille, le souvenir de cette période est encore bien présent. Il suffit d'écouter ma mère en parler.
« Je faisais partie de ces centaines de jeunes femmes qui ont contribué au péril de leur vie à combattre l’ennemi par l’envoi de messages, l’aide aux maquisards ou les soins aux patriotes blessés. Papa, résistant, me confiait des plis cachetés contenant des codes secrets ainsi que des lettres destinées aux familles de maquisards. A 17 ans, j’agissais seule. Je cachais ce courrier dans mes livres et dans mes chaussures et la peur au ventre je quittais la maison, parcourais la rue Fontaine de Rome à Lons-le-Saunier à pieds ; je passais devant l’hotel d’Oise, plein d’allemands pour déposer ensuite cette correspondance dans un magasin vers la gare : une épicerie de la rue Aristide Briand dont le propriétaire M.Deplace était également agent de liaison. C’était un grand résistant. Sur le chemin, j’avais toujours peur : je n’osais pas me retourner. C’était terrible surtout qu’il fallait bien enlever mes chaussures et que ça prenait du temps ! Vous ne pouvez pas savoir à quel point je me sentais libérée en sortant du magasin. A 17 ans, garder ce lourd secret était parfois assez angoissant mais je devais à tout prix faire parvenir ces documents importants afin que les réseaux clandestins puissent continuer la lutte pour la liberté.
Je n’ai jamais vraiment su ce qu’il y avait dans les enveloppes et je n’ai jamais osé les ouvrir. C’était des codes secrets, des chiffres surtout, je crois pour les parachutages, parfois pour Londres et des nouvelles pour les familles. Une fois que c’était fait, je rejoignais mes camarades à l’école Pigier située tout près de la Kommandantur comme si de rien n’était !
A la libération mon père m’a seulement dit : « je te félicite, tu as fais ton devoir de française » c’est tout. Plus de 60 ans après, j’y repense à chaque fois que je passe rue Fontaine de Rome.
Si son père a été reconnu comme grand résistant, Andrée a raconté son propre rôle il y a peu; elle a fait une demande de reconnaissance de son action auprès de l’office national des anciens combattants du Jura qui est toujours en cours d’instruction.
(propos recueillis le 25/05/2012 par Delphine Givord pour "Le Progrès")
Ma mère ignorait à l'époque qu'elle était "agent de réseau" et que mon grand-père Louis Ecuer, sabotait les lignes de chemin de fer entre Besançon et Saint-Amour. Arrêté par la douane allemande en gare d'Arbois avec une vingtaine de prisonniers évadés dans le tender de sa locomotive à qui il faisait passer la ligne de démarcation, il s'est échappé et a rejoint les maquis du Jura / Revermont avec un de mes oncles.
Elle attends toujours des nouvelles de l'Office national des anciens combattants du Jura...
elle décrit aussi sa vie à Lons-le-Saunier pendant l'occupation (source "Le Progrès")