Jacques VUILLEMIN
25000 Besançon
14 JUILLET 2021
PAS DE DEFILE A BESANCON
Donc il n'y aura pas de défilé militaire à Besançon le 14 juillet.
Et pourtant, c'est peu dire que la vocation militaire de Besançon, oppidum naturel, est établie depuis l'antiquité.
Qu'on le veuille ou non, cette vocation militaire est un des éléments forts de l'identité bisontine.
Mais il n'y aura pas de défilé militaire à Besançon cette année.
Cette décision, que rien ne justifie, pas même la crise sanitaire, heurte profondément l'ancien officier que je suis.
Pour moi, cette décision est un double reniement. Reniement de l' identité bisontine, de son histoire.
Reniement du lien fort qui depuis toujours unit Besançon et sa garnison.
Un lien que les municipalités précédentes ont entretenu et fortifié .
Un reniement de notre identité, de notre histoire :
L'histoire de Besançon, son identité s'expliquent en grande partie par sa position géographique.
Besançon c'est d'abord un site exceptionnel : un méandre du Doubs décrivant un fer à cheval
barré par un roc escarpé (La citadelle), à l' intérieur d'un cirque de collines. C'est la réflexion que fit Jules César
quand il fit entrer Besançon dans l'Histoire en 58 avant JC.
César y installa une garnison et fit de Besançon le point d'appui de ses opérations.
Ainsi dès l'antiquité cette situation fit de Besançon une place forte.
L'identité de Besançon est symbolisée par la citadelle de Vauban.
Après la conquête par Louis XIV, Besançon perd son autonomie mais retrouve son rang de capitale au détriment de
Dole en raison surtout de sa valeur militaire.
Le 25 Juillet 1675, Vauban écrit à Louvois : « Si vous voulez conserver la Comté, hâtez-vous de fortifier Besançon ».
Les travaux d'édification de la citadelle commencés au temps de la première occupation sur le mont Saint Étienne
se poursuivent.
Vauban fera de Besançon l'une des meilleures places d'Europe.
Bien plus tard, laissée à l'abandon, la citadelle fut sauvée par la décision d'acquisition de la municipalité Minjoz en
1958.
L'identité de Besançon ne se réduit pas à la citadelle, elle a aussi des visages, des actes de courage, des sacrifices.
La liberté sur leurs cahiers ne suffisait plus. Ils voulaient servir la liberté par leur engagement.
C'est encore le sacrifice de l'adjudant chez David qui résista seul, jusqu'à la mort, à l'entrée nord du pont ferroviaire
de Montrapon face à des auto-mitrailleuses allemandes. Le 16 Juin 1940.
Besançon est une ville où l'histoire se parcourt pas à pas, où la mémoire de l'histoire se lit sur la pierre des
monuments.
Besançon peut s'enorgueillir d'un long passé de 20 siècles d'histoire.
C'est la conquête des libertés communales dès 1290. Besançon se gouverne elle-même avec un conseil de 28 notables
élus au suffrage universel.
C'est aussi la petite histoire avec un officier d'artillerie qui s'ennuyait dans sa chambre de la caserne d'Arènes. Pour se distraire, il écrivait.
Son nom, Choderlos de Laclos, ses écrits : Les Liaisons Dangereuses.
C'est le chef de Bataillon Hugo à Besançon suite à des démêlées avec son colonel.
Il serait resté inconnu si le 26 février 1802 il n'était devenu papa d'un petit Victor.
C'est le Général Marulaz, dirigeant les opérations lors du siège de Besançon par les Autrichiens en 1814.
Les autorités militaires ont longtemps exigé que les terrains avoisinant les forts soient interdits de construction. Ce
qui retira de vastes étendues à toute forme d'urbanisme. Le grand désert, les
glacis.
Ces servitudes militaires sont souvent à l'origine des espaces verts qui font le bonheur des bisontins aujourd'hui.
Ainsi la vocation militaire de Besançon est un élément fort de son identité.
Une identité qu'il ne faut surtout pas renier.
Reniement du lien fort qui unit depuis toujours Besançon et sa garnison.
Un lien fort symbolisé par le bâtiment qui abrite les services municipaux rue Mégevand.
Ce grand corps de bâtiment construit vers 1840 pour l'Arsenal a été cédé par l'armée à la ville en 1965. Il est vrai que
l'ancien hôtel de ville ne correspondait plus aux besoins de la cité.
C'est dans ce bâtiment rue Mégevand qui abritait alors les services de la subdivision militaire que j'ai passé en 1962
les épreuves écrites du concours d'entrée à Saint-Cyr.
Je ne pouvais imaginer à l'époque que je reviendrais dans ce même bâtiment bien des années plus tard comme
adjoint au maire.
La cohabitation des bisontins avec les troupes de la garnison ne fut pas toujours facile.
En 1674, après la conquête par Louis XIV, il n'y a aucune caserne pour loger les 1800 soldats de la garnison.
Alors, la charge du gîte, du couvert et de la chandelle revient aux 14000 bisontins.
Pas évident.
Louvois ordonne alors à Vauban de construire rapidement des casernes.
Au fil du temps les relations s'apaisent.
Entre les 2 guerres, la ville est fière de ses régiments : le 4è d'artillerie à la Butte et le 60è
d'infanterie à Vauban.
La population se presse aux revues, aux défilés, et autour des kiosques où jouent les musiques
militaires.
Le lien fort, c'est aussi la mobilisation des élus municipaux lorsque la place de Besançon est menacée.
Comme ce fut le cas dans les années 90.
Mais ça, c'était avant.
Donc, rien, pas même la crise sanitaire ne justifie la décision de ne pas autoriser un défilé militaire cette année.
Sur les pentes du Ventoux, des spectateurs sans masques se pressent, se bousculent pour applaudir
les coureurs du Tour.
Dans les stades, les supporters des équipes de foot de l'Euro sans masques s'entassent dans les tribunes.
Mais ce qui est autorisé pour eux est refusé aux Bisontins avenue de l'Helvétie pour applaudir
nos soldats.
Incompréhensible !!!!
Les générations qui nous ont précédé ont connu des guerres, l' occupation, des bombardements.
Et maintenant on a peur d'un non vacciné !!
Triste constat.
La bonne connaissance d'une ville exige le triple regard du passé, du présent et de l'avenir.
Ignorer le passé, ou pire encore le renier, c'est refuser de comprendre le présent et compromettre l'avenir.
Le 14 Juillet c'est la fête nationale, la fête de la nation, de la nation tout entière.
De la Nation qui célèbre son armée, l'armée de la République.
Le reniement n'a pas sa place dans cette fête.
Jacques VUILLEMIN